► Généralités
La rougeole est une des maladies infectieuses les plus contagieuses (RO=18), pouvant être à l’origine de complications graves, encéphalites et pneumonies, notamment chez les patients immunodéprimés. Elle se transmet par voie respiratoire (transmission par aérosols) mais également par contact des muqueuses avec les gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures ou plus rarement avec les mains souillées par ces secrétions oropharyngées. C’est une maladie infectieuse considérée antérieurement comme inéluctable chez tous les enfants. C’est aussi une maladie théoriquement éradicable car elle est strictement humaine et il existe un vaccin efficace et d’efficacité prolongée. Une couverture vaccinale insuffisante chez les enfants (alors que la vaccination est obligatoire chez tous les enfants à l’âge de 2 ans) explique la survenue d’épidémies à l’heure actuelle en France.
► Épidémiologie
Avant la vaccination la rougeole était responsable de plusieurs centaines de milliers de cas par an en France, équivalents au nombre d’enfants nés chaque année. Depuis l’introduction de la vaccination chez les enfants, puis l’obligation chez les nourrissons, l’épidémiologie a beaucoup évolué avec moins de 100 cas par an. Depuis 2022 et particulièrement en 2023, la situation internationale de la rougeole est marquée par une recrudescence des épidémies dues à plusieurs années de baisse de la couverture vaccinale constatée après la pandémie de COVID-19. En février 2024, l’OMS s’inquiétait de la rapide propagation de la rougeole dans le monde avec plus de 306 000 cas déclarés en 2023 soit +79% par rapport à 2022. Cette hausse a également touché l’Europe avec 2 361 cas déclarés en 2023 et une épidémie de grande ampleur en Roumanie. En France, le bilan épidémiologique 2023 indique une hausse importante des cas d’un facteur 8 par rapport à 2022 et met en lumière l’existence de poches d’individus encore réceptifs au virus, notamment parmi les adolescents et les jeunes adultes. En effet, dans la majorité des cas, des voyageurs de retour d’un séjour en zone endémique ont contracté la maladie, sont revenus contagieux en France et ont propagé le virus. La rougeole est une maladie à déclaration obligatoire et le signalement est essentiel pour mettre en place les mesures autour des cas et protéger en particulier les personnes-contacts à risque de formes graves (nourrissons de moins d’un an, femmes enceintes, personnes immunodéprimées) grâce à une prophylaxie post-exposition.
Le taux de contamination des professionnels de santé non immuns est évalué 13 à 19 fois supérieur à celui de la population générale. Pendant l’épidémie de 2008-2011, 85 épisodes de transmissions nosocomiales de rougeole en France impliquaient, dans 72 % des cas, des personnels de santé. D’après l’analyse effectuée par SpF des données de la base e-SIN, sur la période 2011 à 2022, 78 signalements ont été reçus, correspondant à 183 cas de rougeole, dont 77 soignants. Parmi ces soignants, le statut vaccinal était connu chez 11 : 9 présentaient un schéma vaccinal complet, un avait reçu une seule dose de vaccin, et un n’avait reçu aucune dose de vaccin (les informations relatives au statut vaccinal étaient manquantes pour le reste des cas survenus chez les soignants) https://www.has-sante.fr/jcms/p_3456351/fr/actualisation-des-recommandations-et-obligations-vaccinales-des-professionnels
► Mode de transmission
– le plus souvent par l’intermédiaire de gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures, générées lors de la toux, les éternuements ou la parole d’une personne infectée et déposées sur les muqueuses nasales, pharyngées et conjonctivales.
– par inhalation d’aérosols contaminés : cas documentés de contaminations survenues dans des endroits clos jusqu’à 2 heures après le départ du patient source (transmission « air »).
– plus rarement, par contact avec des mains souillées ou des surfaces contaminées par des sécrétions oropharyngées. Période de contagiosité : La période de contagiosité commence la veille de l’apparition des premiers symptômes (3 à 5 jours avant l’éruption) et persiste jusqu’au 5ème jour après le début de celle-ci. L’infectiosité est maximale dans les 3 jours qui précèdent le début de l’éruption, quand les signes cliniques sont aspécifiques (fièvre, toux, coryza) et que la concentration virale dans les liquides biologiques est forte.
► Clinique
Incubation : De 7 à 18 jours, en moyenne 10 jours du moment de l’exposition au début de la fièvre, l’éruption apparaissant à 14 jours.
Clinique : La période d’invasion correspond à une phase virémique avec présence de virus dans les sécrétions nasopharyngées et l’urine, l’atteinte de l’épithélium respiratoire étant prédominante : catarrhe oculo-respiratoire, fièvre élevée, et altération de l’état général ; le signe de Köplick, inconstant, est pathognomonique, apparaissant à la 36 ème heure et persistant jusqu’à l’éruption (petites taches blanc-bleuâtres sur fond érythémateux au niveau de la muqueuse jugale).
L’éruption débute au niveau de la tête et du visage ; son extension est descendante en 3 à 4 jours : cou, épaules, thorax et membres supérieurs, puis abdomen, cuisses et généralisation ; il s’agit de maculo-papules, de 1 à plusieurs mm, non prurigineuses, s’effaçant à la pression, de contours irréguliers et confluentes mais avec intervalles de peau saine, disparaissant au bout d’une semaine.
Des complications peuvent survenir, avec un risque accru chez les nourrissons, les adultes et les personnes immunodéprimées :
– surinfections bactériennes fréquentes : otite (7 à 9 %), laryngite, pneumopathie (1 à 6 %),
– pneumopathie rougeoleuse,
– complications neurologiques : encéphalite aiguë précoce de la période éruptive (1/2 000 rougeoles) de pronostic grave, encéphalite immuno-allergique survenant 1 à 2 semaines après l’infection de meilleur pronostic, la panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) survenant 5 à 10 ans après la rougeole (180 cas en France en 10 ans, d’évolution toujours létale) et la MIBE (measles inclusions body encephalitis) d’évolution létale également, dont les symptômes apparaissent 3 à 6 mois après l’infection et touche les immunodéprimés ; – pneumonie interstitielle notamment chez l’immunodéprimé (d’évolution fatale),
– rougeole » maligne « , exceptionnelle en France (d’évolution fatale également).
► Diagnostic
(CNR: https://www.chu-caen.fr/wp-content/uploads/2023/01/echantillons-diagnostic-de-la-rougeole-1.pdf)
Il peut être fait par recherche d’anticorps IgG et IgM et/ou par RT-PCR selon la date de prélèvements par rapport au début de l’éruption :
– prélèvement sanguin pour sérologie : présence d’IgM spécifiques (J3 à J10),
– écouvillonnage nasopharyngé (J0 à J7) : RT-PCR,- prélèvement salivaire (J0 à J14) pour détection d’IgM salivaires (kit de prélèvement salivaire disponible au niveau des ARS, cf. instruction du 28/09/2018) : les IgM apparaissant dans la salive à peu près en même temps que dans le sang, 2 à 3 jours après l’éruption et pour la recherche directe du virus par RT-PCR.
►Population à risque
Terrain à risque accru de forme grave : malnutrition, immunodépression, nourrisson de moins de 1 an, femmes enceintes. Cas particulier de la grossesse : la rougeole survenant chez la femme enceinte peut entraîner des formes graves pour la mère et être source de complications de la grossesse (interruption précoce) et de rougeole congénitale. Vaccination contre-indiquée tout au long de la grossesse (comme tout vaccin à virus vivant atténué) ; toutefois les études menées chez des femmes vaccinées accidentellement juste avant ou pendant une grossesse ne concluent pas en faveur d’une interruption de grossesse.
► Prévention
►Prévention primaire
- La vaccination : le calendrier vaccinal comporte une première dose de vaccin à l’âge de 12 mois suivi d’une seconde dose entre 16 et 18 mois. Cette vaccination est obligatoire depuis 2018 chez les enfants nés après le 1 janvier 2018. Le rattrapage concerne les personnes nées après 1980 qui doivent avoir reçu 2 doses de vaccin.
- En complément des précautions standard : les précautions complémentaires « air », en ligne sur le site de la SF2H, s’appliquent : https://sf2h.net/publications/prevention-de-transmission-croisee-voie-respiratoire-air-goutelettes
►Prévention secondaire
Conduite à tenir autour d’un ou plusieurs cas de rougeole
- La vaccination en post exposition est efficace chez les sujets non immuns lorsqu’elle est effectuée dans les 72 h suivant le contage. La protection dépasse alors les 90 %. Instruction N° DGS/SP/SP1/2018/205 du 28 septembre 2018 relative à la conduite à tenir autour d’un ou plusieurs cas de rougeole.
- L’administration d’immunoglobulines est recommandée en post exposition chez les sujets à risque exposés dans les 7 jours suivant le contact (enfants de moins de 6 mois nés de mère non immune, femmes enceintes, immunodéprimés non immuns) ;
- Conduite à tenir en cas d’exposition à un cas de rougeole en milieu professionnel (fiche EFICATT) http://www.inrs.fr/publications/bdd/eficatt/fiche.html?refINRS=EFICATT_Rougeole
► Traitement
Il n’existe pas de traitement antiviral efficace sur le virus de la rougeole.
mise à jour : sept 24