Septembre 2025

Accidents exposants aux liquides biologiques (AES) chez les soignants et maladies infectieuses émergentes (MIE)

1. Évolution de l’épidémiologie des AES chez les personnels de santé (PS).

La surveillance nationale des AES {qui était réalisée par le RAISIN, Santé publique France (SPF) et le GERES} s’est arrêtée au 1er janvier 2016. En effet, sur une cohorte stable de 231 établissements de santé, on notait une diminution constante des AES entre 2008 et 2015, ce qui suggérait que, sur ce plan, la sécurité d’exercice des PS avait nettement progressé  (1). De fait, cette surveillance n’apparaissait plus comme prioritaire au niveau national et a donc été suspendue. Néanmoins, deux études ont été menées en 2019 et en 2023 (2)

Figure 1 : taux d’AES pour 100 lits déclarés entre 2008 et 2023

2. Évolution des contaminations professionnelles VIH, VHB, VHC au cours du temps

Le risque de transmission VIH, VHB, VHC par exposition accidentelle au sang ou aux liquides biologiques (AES) était un problème majeur en France dans les années 1980/2000 : ainsi ont été recensées 14 contaminations VIH professionnelles prouvées dont le dernier cas a été notifié en 2004,36 contaminations VIH présumées (dont la dernière en 2012), et 73 cas de contaminations professionnelles VHC dont le dernier cas a été déclaré en 2020. Le nombre de contaminations professionnelles par le VIH et VHC, diminue nettement depuis les années 2000 et la surveillance nationale de ces contaminations a pris fin en 2021 (3).

Les facteurs associés à la diminution de ce risque en milieu professionnel sont multiples.

  • La prévention des AES, comme indiqué dans le paragraphe précédent, est un des éléments grâce à la sécurisation des gestes à risques (Précautions standards d’hygiène et Généralisation des matériels de sécurité pour les gestes intravasculaires identifiés comme les plus à risque).

  • La Prévention des risques de transmission virale en cas d’AES est également un élément important dans la diminution des risques : Vaccination VHB des personnels soignants devenue obligatoire dans les années 1990 et Traitement post exposition (TPE) VIH en cas d’AES avec un patient VIH+ PCR+.
  • De plus, le Traitement efficace par antiviraux des patients infectés par VIH, VHC, VHB permet de stopper la réplication virale , négativer les mesures de charge virale par PCR et ainsi annuler les risques de transmission à autrui et ce quelles que soient les voies de transmissions (AES ou sexuel). (Indétectable =Intransmissible).

3. Persistance d’un risque de survenue d’AES et de transmission de maladies infectieuses.

Dès lors que, au cours d’une maladie infectieuse (virale mais aussi bactérienne ou parasitaire ou mycosique …), il existe une période au cours de laquelle il y a présence d’agents infectieux dans le sang, la transmission de cet agent à un soignant après AES survenu dans cette période est possible.

Il peut s’agir de maladies infectieuses « classiques » mais aussi de maladies infectieuses dites émergentes (MIE). Déjà en 2005, Tarantola et al (4), dans une revue de la littérature des cas documentés de transmission de maladies infectieuses en milieu de soins et en laboratoires rapportaient des cas décrits de transmission de 26 virus ( ex : virus des hépatites B, C, D, G, VIH, Fièvres hémorragiques virales, West Nile Virus, Dengue…), de diverses bactéries souvent responsables de lésion nodulaire au site d’injection ( Mycobacterium spp., Corynebacterium spp., Rickesttsia spp., …), de quelques parasites (Leishmania sp., Plasmodium sp, Toxoplasma gondii, trypanosoma sp.). Toutes ces situations, certes rares, soulignent l’importance d’appliquer immédiatement la conduite à tenir en cas d’AES et de consulter un médecin spécialisé afin d’évaluer la possibilité d’un traitement post exposition (TPE) et de mettre en place un suivi adapté (par exemple : AES avec patient source ayant un paludisme aigu (5), ou une infection à pyogenes e.g gonocoque, diphtérie, streptocoque et staphylocoque etc…)

4. AES et risque de transmission de Maladies Infectieuses Emergentes

Les MIE sont soit des maladies causées par des agents pathogènes (virus, bactéries, parasites, champignons) qui apparaissent pour la première fois dans une population, soit de maladies connues dont l’incidence augmente rapidement (cf. COREB : https://www.coreb.infectiologie.com/ ). Ces maladies peuvent être entièrement nouvelles ou résulter de modifications génétiques des agents pathogènes existants, d’un changement dans leur écologie ou de leur propagation à de nouveaux hôtes ou régions.

Parmi les facteurs contribuant à l’émergence des maladies infectieuses nouvelles, on note :

  • changements environnementaux (déforestation, changement climatique …),
  • augmentation des déplacements internationaux et du commerce et leur rapidité,
  • mutations et évolution des agents pathogènes,
  • interaction entre humains et animaux : les zoonoses, maladies qui se transmettent des animaux aux humains, représentent une majorité des MIE.

La majorité des MIE doit faire l’objet d’une déclaration obligatoire (6) voire d’un signalement.

En France, les MIE peuvent être prises en charge par les soignants dans diverses circonstances :

  • En France métropolitaine :

    • Lors de pris en soin en France métropolitaine d’un patient ayant pu être contaminé en zone d’endémie, ou

    • Lors d’un cas autochtone d’arbovirose (Zika, Dengue, Chikungunya ..)(7)  rendu possible par la présence des vecteurs en métropole

    • Si une épidémie se déclare en France (par exemple : cas de de Mpox, COVID 19)

  • Dans les territoires outre-mer français pouvant être des zones d’endémie (Zika, Dengue, Chikungunya…)

La transmission aux soignants de ces maladies peut se faire directement de patient à soignant par voie aérienne, contact cutanéo muqueux avec des liquides biologiques contaminants ou après AES. La mise en place précoce de précautions complémentaires adaptées, souvent de type renforcée REB, est fondamentale.

Seuls les risques après AES sont décrits dans ce chapitre.
Les maladies transmises par un vecteur (moustiques, tiques etc…) peuvent effectivement être transmises d’un patient à un soignant lors d’un AES survenu en phase de dissémination sanguine de l’agent infectieux.

Des exemples de transmission de MIE après AES ont été décrits dans la littérature et sont résumés dans le tableau1. Il faut insister sur le caractère « évitable » de la majorité de ces AES, comme cela a été particulièrement décrit pour les cas de transmission de Mpox par AES : https://www.geres.org/autres-pathogenes/monkeypox/

La Conduite à tenir (CAT) en cas d’AES est identique à la CAT classique, à savoir : ne pas faire saigner, nettoyer la plaie (eau, savon) désinfecter (eau de javel à 2,6 % de chlore actif diluée au 1/5ème ou solution de Dakin pendant 10 minutes). Une consultation la plus précoce possible auprès d’un médecin spécialisé (ou urgentiste) est impérative dans la mesure où il peut exister des traitements post exposition (TPE). Une déclaration d’accident de travail doit être faite et l’AES signalé au médecin du travail. Dans tous les cas l’agent exposé devra être suivi cliniquement afin de vérifier l’absence de contamination dans les semaines suivants l’exposition. Le suivi est à adapter à la nature de l’agent infectieux et ce en accord avec un médecin spécialiste.

Bibliographie

1 – Surveillance des accidents avec exposition au sang dans les établissements de santé français. Réseau AES-Raisin, France. Résultats 2015. https://www.santepubliquefrance.fr/docs/surveillance-des-accidents-avec-exposition-au-sang-dans-les-etablissements-de-sante-francais.-reseau-aes-raisin-france.-resultats-2015

2 – https://www.geres.org/aes-et-risques/epidemiologie-des-aes/

3 – Pellissier G., Lot F., Rouveix, E.,Bouvet E., Abiteboul D. Contaminations professionnelles par le VIH, VHB, VHC chez le personnel de santé : bilan de la surveillance nationale au 31 décembre 2021. https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TP%2050

4 – Tarantola A, Abiteboul D, Rachline A. Infection risks following accidental exposure to blood or body fluids in health care workers: a review of pathogens transmitted in published cases. Am J Infect Control. 2006 Aug;34(6):367-75. doi: 10.1016/j.ajic.2004.11.011. PMID: 16877106; PMCID: PMC7115312.

 5 – Minard G, Touche S, Delavelle AC, Bonnet M, Huguenin A, N’Guyen Y. Case Report: Could Artemisinin-Based Combination Therapy Prevent Occupational Malaria following Blood Exposure? Am J Trop Med Hyg. 2021 Jan;104(1):240-242. doi: 10.4269/ajtmh.20-0717. PMID: 33236701; PMCID: PMC7790117.

6 – https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-a-declaration-obligatoire/liste-des-maladies-a-declaration-obligatoire

7 –  https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/documents/bulletin-national/chikungunya-dengue-et-zika-en-france-hexagonale.-bulletin-de-la-surveillance-renforcee-du-30-juillet-2025

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